Prologue: Contrecoup – Atlas Fondation
Rachel Nexus était habituée à gérer un inventaire restreint. Elle avait grandi sur une station ceinturienne isolée en orbite de Saturne. La seule chose qu’ils avaient en abondance était de la glace, de la roche et de l’hydrogène. Fonctionner avec pratiquement aucune réserve était la norme, mais jamais elle n’avait fait face à une crise aussi sévère que sur la station Jericho.
Lorsque la Commission Trilatérale avait déclaré son moratoire sur la colonisation, Rachel savait qu’ils allaient avoir un défi à relever. La station Jericho n’était conçue que comme un habitat temporaire pour la majorité du personnel, seules quelques 2000 personnes supposées y demeurer à long terme. Cela voulait dire que les 15 000 employés et colons qui devaient éventuellement être déployés sur la planète allaient devoir s’entasser. Chaque individu représentait ici un stress excédentaire sur les systèmes de survie, sans compter l’espace pour les loger. Malgré tout, Rachel était restée optimiste. Transformer en urgence un habitat temporaire en un habitat permanent était un sacré défi, mais c’était là que son expertise ceinturienne entrait en jeu. Mais ça, c’était avant qu’ils ne découvrent que les données d’embarquement avaient été falsifiées.
Chaque mégacorporation du projet Horizon avait des hangars de stockage discrétionnaire à leur usage exclusif. Cet espace était censé transporter du matériel spécialisé utile pour la colonisation, mais Atlas Fondation avait eu l’ingénieuse idée d’y mettre des gens, des civils terriens pour être plus précis. C’était un cauchemar.
Rachel assumait que l’idée initiale était de les déployer comme colons immédiatement sur la planète, probablement pour créer une sorte de Nouvelle Terre ou un truc du genre à la sauce d’Atlas, mais le plan avait foiré et la petite mascarade de la Fondation avait éclaté au grand jour presque immédiatement lorsque des migrants s’étaient évadés de leur hangar pour se répandre partout dans la station, affamés et en colère. Aucun recensement rigoureux ne pouvait être fait, mais on estimait leur nombre à près de 3000, la plupart ayant des compétences très limitées pour opérer sur une station spatiale. Sur un habitat déjà surtaxé, c’était la goutte qui faisait déborder le vase.
Rachel fonctionnait sur un mélange d’amphétamine et de caféine synthétique depuis les trois derniers jours, enfermée dans son bureau avec sa cellule de crise et deux androïdes de grade militaire à la porte pour leur protection. Gomez, son agronome de Kanopi, fixait le mur depuis presque une heure, son Interface Extranet ayant grillé à essayer de modéliser une façon de produire assez de biomasses comestible pour nourrir des milliers de bouches excédentaires. Il n’était pas le seul à se battre avec un puzzle impossible. Les fabriques de Goodman étaient surtaxées au point de rupture et les ingénieurs d’Alpha-Solaris tombaient comme des mouches à essayer de modifier les hangars cargo pour accommoder toute la population hébergée sur Jericho.
C’était une catastrophe. L’air était déjà presque irrespirable en raison de l’abus souffert par les filtres, et toutes les métriques étaient dans le rouge, de l’énergie jusqu’à la gestion des déchets. Rachel se prit le visage entre les mains. S’ils parvenaient à survivre, ce ne serait pas grâce à Atlas et ses 3000 boulets.
Art par humanart